1- Etat des lieux
Combien de chauffeurs via des plateformes travaillent dans l'UE
Dans l'UE, plus de 28 millions de personnes travaillent via des plateformes numériques (livraisons, VTC). Or, 5,5 millions de personnes seraient déclarées comme travailleurs indépendants sans l'être réellement. C'est pourquoi la Commission européenne propose un dispositif pour requalifier leur statut et améliorer leurs conditions de travail.
La Commission a aussi constaté que 55% des travailleurs gagnent moins que le salaire horaire net du pays dans lequel ils
Le nombre de personnes qui travaillent par l'intermédiaire de plateformes est évalué à plus de 28 millions et elles seraient 43 millions à l'horizon 2025.
Entre 2016 et 2020, les recettes de l'économie collaborative sont passées de trois milliards d'euros à environ 14 milliards d'euros, selon les estimations de la Commission européenne. Si les plateformes créent des possibilités pour les travailleurs, les entreprises et la société, elles soulèvent aussi des questions, notamment sur les conditions de travail.
La Commission européenne propose des mesures pour encadrer les conditions de travail
Le 9 décembre 2021, la Commission européenne propose un ensemble de mesures ayant pour objectif de "garantir des conditions de travail décentes pour tous ceux dont le revenu dépend de ce modèle de travail".
Rapport d'information (…) sur l'uberisation de la société : quel impact des plateformes numériques sur les métiers et l'emploi ?
Dans l'Union européenne, plus de 90% des plateformes de travail numériques opèrent avec des travailleurs non salariés. Les recommandations de la Commission doivent donc permettre de garantir que les personnes exécutant un travail via une plateforme de travail numérique se voient accorder le statut professionnel juridique correspondant aux modalités réelles de leur travail.
Pour cela, la Commission européenne a établi une liste de cinq critères qui permettent de déterminer si la plateforme est un "employeur" en identifiant le degré de contrôle qu'elle exerce sur le travailleur. Ces critères consistent à :
fixer le niveau de rémunération ;
contrôler l'exécution du travail à distance ;
ne pas permettre de choisir les horaires de travail ou les absences, d'accepter ou de refuser des tâches ;
déterminer des règles contraignantes en matière d'apparence, de conduite à l'égard du destinataire du service ou d'exécution du travail ;
limiter la possibilité du travailleur de se constituer lui-même une clientèle ou d'exécuter un travail pour un tiers.
Si deux de ces critères au moins sont remplis, le travailleur doit alors être considéré comme "travailleur salarié". Toutefois, les plateformes sont autorisées à contester les requalifications mais, il leur incombera de prouver qu'il n'existe pas de relation de travail entre elles et le travailleur.
Plus de 500 plateformes de travail numériques exercent des activités au sein de l'Union, à la fois des entreprises internationales et de petites entreprises nationales ou locales. Elles sont, à l'heure actuelle, obligées de se conformer à des législations et des décisions différentes d'un État membre à l'autre.
La Commission a aussi constaté que : 55% des travailleurs gagnent moins que le salaire horaire net du pays dans lequel ils travaillent ;
en moyenne, ces travailleurs consacrent 8,9 heures par semaine à des tâches non rémunérées, pour 12,6 heures de tâches rémunérées.
Ce modèle d'organisation du travail pose de nouvelles questions avec, par exemple, l'utilisation d'algorithmes dans le travail via une plateforme ce qui soulève des questions de responsabilité et de transparence.
2- Le lien de subordination : une lecture déterminante
Le lien de subordination : rappel
Le lien de subordination est l’élément essentiel pour apprécier l’existence d’un contrat de travail.
Ses caractéristiques : exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de :
- donner des ordres et des directives,
- contrôler l’exécution de ces ordres et directives
- sanctionner les manquements de son subordonné.
Quel indice de subordination
Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.
Absence de lien de subordination ...
Dans l'arrêt du 13 avril 2022, la Cour de cassation censure la décision d’une cour d’appel. Cette cour avait retenu que « le GPS permettait à la société de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à une répartition optimisée et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la personne à transporter et de trajet à effectuer, et d’assurer ainsi un contrôle permanent de l’activité du chauffeur, que la société fixait le montant des courses qu’elle facturait au nom et pour le compte du chauffeur, […] qu’elle modifiait unilatéralement le prix des courses, à la hausse ou à la baisse en fonction des horaires [et qu’elle] disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, à travers le système de notation par les personnes transportées ».
Elle reconnaissait ainsi l’existence d’un contrat de travail entre un chauffeur et une plateforme numérique.
La Cour de cassation considère que ces motifs sont insuffisants à caractériser l’exercice d’un travail au sein d’un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la plateforme.
Selon elle, les juges du fond n’ont pas constaté que la société avait adressé au chauffeur des directives sur les modalités d’exécution du travail, ni qu’elle disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation. Cass. Soc., 13 avril 2022 n°20-14.870
3- Dans le même temps : ordonnance renforçant l’autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité du 6 avril 2022
« renforçant l’autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité, portant organisation du dialogue social de secteur et complétant les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi ».
Celle-ci prévoit :
- des droits collectifs pour les chauffeurs
- l’institution d’instances représentatives
- de nouveaux droits, tout en prenant soin de « renforcer leur autonomie », en préservant ainsi les donneurs d’ordre d’une action en requalification.
Focus sur l'article 1er :
1° celui de choisir leurs plages horaires d’activité et leurs périodes d’inactivité, et de pouvoir se déconnecter durant leurs plages horaires d’activité ;
2° Pour l’exécution de leurs prestations :
a) Les travailleurs de ces plateformes ne peuvent se voir imposer l’utilisation d’un matériel ou d’un équipement déterminé, sous réserve des obligations légales et réglementaires en matière notamment de santé, de sécurité et de préservation de l’environnement ;
b) Ne peuvent recourir, simultanément, à plusieurs intermédiaires ou acteurs de mise en relation avec des clients en vue de la réalisation de ces prestations ou commercialiser, sans intermédiaire, les services de transport qu’ils exécutent ;
c) Déterminent librement leur itinéraire au regard notamment des conditions de circulation, de l’itinéraire proposé par la plateforme et le cas échéant du choix du client.
Comments