PARIS (Reuters) - Deliveroo a été condamné mardi 19 avril 2022 pour "travail dissimulé" ou « complicité de travail dissimulé » entre 2015 et 2017 par le tribunal correctionnel de Paris et deux anciens dirigeants français de la plateforme britannique de livraison de repas ont reçu une peine d'un an de prison avec sursis.
Le jugement devra apparaître pendant un mois sur la page d'accueil du site de Deliveroo France.
L'entreprise et ses dirigeants étaient accusés d'avoir employé illégalement leurs livreurs en tant qu'indépendants alors qu'ils devaient bénéficier d'un statut de salariés.
Pour la présidente de la 31e chambre du tribunal judiciaire, le délit est établi, rapporte l’AFP. Le tribunal a suivi les réquisitions de la procureure Céline Ducournau pour ce premier procès de l’ubérisation en France.
Deliveroo conteste
Dans un communiqué, Deliveroo a dit "conteste(r) catégoriquement" ce jugement et "envisager de faire appel". Il assure que "la décision rendue porte sur le modèle de Deliveroo des débuts, et n’a pas de conséquences sur (sa) manière d’opérer aujourd'hui".
"Le modèle de Deliveroo a depuis évolué, pour être encore plus conforme aux attentes des livreurs partenaires, qui veulent demeurer indépendants", poursuit le groupe, qui "reste engagé sur le marché français".
Le système Deliveroo condamné
Deliveroo va devoir :
- verser une amende de 375 000 euros
- afficher sa condamnation sur son site durant un mois, pour en informer ses livreurs
- régler 50 000 euros de dommages et intérêts à chaque syndicat partis civils, la CGT, l’Union Solidaires, SUD-Commerces et services, SUD-Commerces et services Île-de-France, le Syndicat national des transports légers, pour « préjudice moral ».
Deux anciens cadres de l’entreprise ont été condamnés pour les mêmes motifs à :
- 12 mois de prison avec sursis
- 30 000 euros d’amendes.
Ils sont interdits, avec sursis, de diriger une entreprise durant 5 ans.
Un troisième cadre est condamné à :
- 4 mois de prison avec sursis
- une amende de 10 000 euros pour « complicité ».
Et l'URSSAF
L’entreprise va également devoir faire face à une autre procédure, l’URSSAF lui réclame 9,7 millions d’euros pour rattraper les cotisations sociales esquivées par le recours à des travailleurs indépendants.
Un faisceau d'indices
Les faisceaux d'indices suffisants sont retenues par la procureure :
- le port de l’uniforme,
- les formations,
- le zonage des livraisons,
- la réservation des meilleurs créneaux aux meilleurs livreurs.
Selon Céline Ducournau il s’agit bien de « faux indépendants » et donc de travail dissimulé. Elle a regretté au cours de l’audience l’absence sur le banc des accusés de William Shu, cofondateur et PDG de Deliveroo, réel inventeur du système de la plateforme.
Le mouvement est européen
Des actions similaires avec succès sont menées partout en Europe :
- aux Pays-Bas,
- au Royaume-Uni,
- en Espagne,
- en Italie.
Au niveau européen un projet de directive de la Commission vise à instaurer une présomption de salariat pour mettre fin aux « faux indépendants » des plateformes.
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